Sunday, June 29, 2014

Les sanctions U.S. contre la BNP et l’émergence d’un monde juridique tripolaire. Première partie: la problématique anglo-saxonne

Amendes énormes et excuses publiques, accompagnées d’interdiction partielle d’exercer la profession de banquier en dollars. La sanction à l’égard de la BNP n’est pas seulement très forte, elle peut sembler à certains exorbitante du droit commun.

C’est en partie parce que plus large encore que  l’autonomie de la décision juridictionnelle, on trouve ici l’autonomie de la décision administrative unilatérale. C’est l’administration américaine qui s’exerce indépendamment de tout contrôle - pour l’instant, car on peut imaginer des recours juridictionnels futurs – et qui s’exerce à l’égard d’une entité très vaste, la BNP. Les grandes banques mondiales sont globales, internationales. Elles ont des ramifications dans tous les pays, ou presque.

Une certaine logique juridique voudrait que chaque pays édicte et fasse respecter ses normes financières sur son territoire et n’étende pas son long arm juridiction (théorie juridique anglo-saxonne de la compétence juridictionnelle qui s’étend au-delà des frontières et s’appelle littéralement le bras long) sur toute la planète, ou sur tous les autres pays dans lesquelles ces banques ont des activités.

C’est oublier que les système financier, économie et juridique américain s’appuie sur une autre théorie-pratique juridictionnelle qui est celle de la recherche des big pockets. En d’autres termes, alors que le système juridique administratif et juridictionnel français par exemple va chercher à définir les responsabilités des contrevenants à une réglementation, et notamment les responsabilités pénales, au nom de l'intérêt de l’Etat et de ses administrés, le peuple, le plus grand nombre, le système américain va chercher des responsabilités pécuniaires civiles et va les chercher chez ceux qui peuvent payer.

Le système juridique américain, fondé principalement sur la négligence, la responsabilité et les dommages (souvent considérables) cherche à attraire en la cause le plus grand nombre de justiciables. Il détermine ensuite à coup de longues enquêtes, et de plea bargain dans lequel les justiciables sont invités à se dénoncer les uns les autres dans le but de s’exonérer partiellement ou totalement en chargeant les autres, les responsabilités les plus étendues possibles et les fractionne. Ce partage des responsabilités est fondé à la fois sur la matérialité des faits mais surtout sur la capacité à payer.

Ainsi le système juridictionnel ou administratif va identifier le plus gros payeur potentiel de dommages et concentrer ses attaques sur lui. Les autres co-responsables seront invités à dénoncer le gros payeur et bénéficieront de réductions de charges et de peines, voire même d’exonérations totales.

Si le pénal intervient, c'est en support et en levier du civil. La menace de sanctions pénales poussera le contrevenant à accepter des sanctions civiles lourdes en échange de réductions de peines pénales permises par le plea bargain.

C’est pourquoi les institutions financières, les entreprises et même les Etats non américains ont parfois du mal à saisir et admettre cette suprématie américaine qui revient en fait pour l’Oncle Sam à dicter sa politique financière au reste du monde sur le fondement d’une loi américaine mondiale dans le sens où loi fédérale votée par le Congrès des Etats-Unis, ou la loi d’un Etat votée par le parlement d’un des 50 Etat de l’Union va s’appliquer  de facto au reste du monde. Selon la Constitution Américaine, les constitutions de chaque Etat de l’Union et le droit international, ces lois n’ont vocation à s’appliquer qu’aux territoires et aux personnalités juridiques, individus et sociétés commerciales, qui vivent sur le territoire ou y exercent leur activité pour la part de leur activité qui s’y exerce et pas au-delà.

Curieusement, au nom d’un intérêt à agir compris de manière extensive, la réalité est tout autre.

L’affaire BNP en est l’illustration.

Faut-il cependant considérer que l’Europe, la Chine et le reste du monde restent passifs devant une telle conception de la loi mondiale américaine?

C’est l’objet des parties suivantes:
La réponse européenne
La réponse chinoise


Prof. Olivier Chazoule
Professeur de Droit
Directeur des Etudes
New York Institute of Business and Finance
Telephone (646) 775 2812
Mobile: (347) 721 1331
Blog Executive Education: http://wallstreetexecutiveeducation.blogspot.com/
Group on Linkedin: Formation profesionnelle et internationale 

Tuesday, June 17, 2014

Négociez, négociez, il en restera toujours quelque chose

10 milliards de dollars, c’est la somme incroyable que la BNP devra payer aux autorités financières américaines pour avoir enfreint les restrictions américaines aux financements internationaux en dollars avec pays sous embargo des Etats-Unis entre 2008 et 2009.

Cette situation exceptionnelle soulève plusieurs questions :

La première question est relative à la juridiction à laquelle est soumise la BNP comme d’ailleurs les autres banques françaises, comme d'ailleurs toutes les banques du monde non américaines. C'est la question de la compétence territoriale et juridique de la loi américaine, autrement appelée dans le système judiciaire anglo-saxon, Jurisdiction. C’est-à-dire de quel droit, de quelle manière la justice américaine peut-elle avoir à connaître des agissements d’une entité morale, une société commerciale et financière de droit français et européen ?
Une partie de la réponse tient à la nature des sociétés incriminées, les filiales de la BNP qui opèrent sur le territoire des Etats-Unis.
Mais cette réponse est insuffisante.

La seconde partie de la réponse tient à la devise dans laquelle les opérations sont effectuées, le dollar, qui est toujours la devise mondiale de référence. Mais dans ce cas-là, peut-on considérer que chaque pays a vocation et/ou légitimité à agir mondialement dans les transactions qui se déroulent en tout lieu lors de tous les échanges de sa propre devise ?

La troisième partie de la réponse tient à la nature des intérêts considérés comme stratégiques par les Etats-Unis. En d'autres termes, tout ce qui peut directement ou indirectement menacer la sécurité des Etats-Unis doit être contrôlé et empêché si nécessaire. Si pris trop tard et après commission de ce qui est considéré comme un manquement ou une faute, une punition s'impose.

La loi la plus connue dans ce domaine  est celle qui a été émise par le Congrès le 26 octobre 2001,en réponse aux évènements du 11 septembre 2001, le Patriot Act. Destiné à préserver les Etats-Unis de toute transaction financière illégitime, de blanchiment d’argent et de liquidités, le Patriot Act vise à réglementer et contrôler les transactions financières U.S. et internationales avec répercussions et incidences sur les Etats-Unis pour restreindre l’accès aux sources et canaux de transferts de financement par les groupes terroristes.

Il existait déjà des dispositions américaines comparables issues de la guerre froide qui tendaient à restreindre les exportations de technologies sensibles à destination de l’URSS, y compris par les pays alliés des Etats-Unis. Elles se sont transformées en restrictions d’exportations de technologies sensibles à destination de la Chine.

La quatrième question qui se pose est celle de savoir de quel droit les Etats-Unis se permettent d’édicter des lois mondiales, c’est-à-dire des lois bien que votées par des Américains seulement peuvent avoir et ont un effet sur le reste de la planète. La série de lois Foreign Account Tax Compliance Act, ou FATCA, de 2010 en est une illustration. Elle apporte une réponse pragmatique : c’est comme ça et pas autrement ! nous y reviendrons.

Les Romains disaient que les lois parfaites, ou  leges pefectae, sont les lois assorties de sanctions. Autrement dit, s’il n’y a pas de sanction applicable et appliquée personne ne respecte la loi. C’est ce qui conduit à la cinquième question qui est de savoir quels sont les moyens de pression et de sanction qu’ont les Etats-Unis à l’égard des banques et institutions financières étrangères, c’est-à-dire non-américaines.
Cette sanction majeure, ce goulot d’étranglement c’est l’interdiction d’accès à Wall Street qui demeure le marché financier dominant de la planète et l’interdiction potentielle de conduire de transactions en dollars qui est la devise majeure des échanges internationaux et de réserves mondiales.
Si une banque est bannie d’accès à Wall Street et/ou d’effectuer des transactions en dollars, ce n’est plus une banque.
Cela signifie que les autorités fédérales américaines ont le pouvoir de faire et de défaire toutes les banques du monde ;  et ce pouvoir, elles l’exercent discrétionnairement.
Ce n’est pas totalement le fait du Prince mais cela y ressemble.
Face à un tel pouvoir exorbitant du droit commun, mais bien réel, quelle stratégie faut-il adopter ?
Ce que font les banques américaines, aussi puissantes soient-elles, c’est qu’elles vont dans le sens du courant.
Comme elles, il faut considérer la psychologie et la sociologie des affaires et de la finance américaine, connaitre suffisamment le droit des procédures administratives fédérales et des Etats principaux dans ce domaine, New York, Delaware,  et engager de négociations directement et avec l’aide de ses conseils.
La dernière chose à faire est de se heurter de front aux autorités fédérales, il faut négocier, négocier, négocier.


Ce que disent souvent les Américains est explicite et mérite d’être considérée ici: if cou cannot beat them, join them, ce que l’on peut traduire par : si tu ne peux pas les vaincre, allies-toi à eux.

Friday, June 6, 2014

Formation: les contrats internationaux

Droit Civil et Common Law, Droit de l’Etat de New York, Droit de l’Etat du Delaware, Droit Financier Chinois, règles de l’Union Européenne et celles de l’Organisation Mondiale du commerce, etc. la multiplicité des droits dont il faut tenir compte dans les contrats internationaux est très large.

De ce fait, la tentation est grande, parfois même pour les grands groupes, d’aller à la solution la plus facile et de prendre des contrats-types pour les transactions internationales avec des boilerplate clauses toutes rédigées et prévisibles et de les répéter à l’envi et à l’infini.

Mais cela ne saurait être une réponse viable car il est très hasardeux de ne pas tenir compte des multiples règles de responsabilités civiles et pénales en cas de sinistre ou de conflit entre les parties.

Selon les pays, les régions, les types de contrats et les circonstances, les droits  applicables, les tribunaux compétents et les forums juridictionnels sont multiples. Les règles d’attribution de compétence, loi du contrat, juge du contrat, droit applicable au contrat, ne suivent pas toujours la volonté des parties et les juges peuvent requalifier certains éléments du contrat sur la base de l’économie générale du contrat, des références juridiques utilisées, et même de la langue employée dans le contrat.

Il faudra par exemple beaucoup de talent aux avocats pour prétendre expliquer à une  cour étrangère qu’un contrat entre une multinationale française et une multinationale américaine rédigée en Anglais doit se voir appliquer le droit civil des contrats, même lorsque cela est expressément défini dans les termes dudit contrat. Si le juge est un juge de l’Etat de New York ou de Londres, il n’y a quasiment aucune chance que la nature civile du contrat soit reconnue. Ce qui laisse alors un vide juridique abyssal puisque le contrat conçu à l’origine dans le droit civil français et adapté à l’international se verra désormais appliquer la Common Law de l’Etat de New York par un juge Anglo-Saxon. L’absence de clause parfaitement claire sur tout sujet sera alors laissée à l’appréciation juge sur soumission par les lawyers Anglo-Saxons de la version qui est la plus favorable à leurs clients.

Pour éviter d’être placé(e) dans une telle situation très dangereuse juridiquement et aux conséquences financières incalculables (définition du risque, décision juridictionnelle défavorable emportant responsabilité, calcul des dommages selon les barèmes américains, etc.) les juristes rédigeant les contrats doivent d’abord adopter une stratégie juridique cohérente fondé sur la prise en compte des facteurs essentiels de l’économie du contrat. C’est un moyen terme entre le souhaitable et le possible.
La rédaction doit ensuite refléter clairement ces choix et la langue du contrat comme le droit choisi, le mode de résolution des conflits et le forum.



Notre formation sur les contrats internationaux, qui se déroule en Français et/ou en Anglais selon votre choix donne l’occasion de préparer les contrats internationaux de votre entreprise avec ses différentes phases d’analyse, de préparation, de choix de droit et de contexte,  de rédaction du contrat et de ses clauses spécifiques. Dans cette formation de 5 jours, deux jours sont consacrés aux techniques juridiques des contrats internationaux et à la stratégie juridique des contrats internationaux, une journée et demi est consacrée au drafting des contrats internationaux, une journée de la formation est consacrée aux techniques de négociation et une demi-journée est consacrée à la rencontre de lawyers américains dans des cabinets d’avocats New Yorkais spécialisés.

Prof. Olivier Chazoule
Professeur de Droit
Directeur des Etudes
New York Institute of Business and Finance
Telephone (646) 775 2812
Mobile: (347) 721 1331